samedi 8 décembre 2007

Bienvenue à Kemet # 4 Prise de position

Mon enseignement étant terminé, le Prêtre-Instructeur me donna une semaine pour finir mes préparatifs de départ et prendre mon nouveau poste auprès de mon Oncle, dans son nome.

Cependant, je ne pouvais partir sans savoir exactement ce qu'il y avait dans la grande pyramide, mais comment gruger les gardes qui sont à l'entrée ? Cela restait un problème essentiel, le seul obstacle à la réponse à ma curiosité. Je passais une nuit à réfléchir sur toutes les façons et tactiques dont je pourrais user, je pensais à me rendre invisible à leurs yeux ou les occuper quelques temps loin de l'entrée, ce qui me donnerait le temps d'entrer, mais je ne savais pas quel était leur niveau mental et il fallait absolument que je les teste. Ce que je fis le soir même, je m'approchais discrètement à quelques mètres d'eux, posté derrière un palmier et je me concentrais sur leurs Ba, tout doucement, de façon à bien peser leurs faiblesses ainsi que leur endurance. Les résultats ne furent pas concluants, ils étaient entraînés, décidément il doit vraiment y avoir quelque chose d'intéressant à l intérieur. Je battais en retraite, toutes mes tentatives sont restées vaines, forcer un peu plus m'aurait fait découvrir et ce n'était pas le but.

Dans ma misérable chambre, allongé sur la natte, je repensais, mais comment faire ? Il doit bien y avoir une solution non ? Il y en a toujours une. Soudain une voix répondit à mes questions : "Le Ka, détache ton Ka et fait le voyager dans la Pyramide, cela va pallier à tous tes problèmes." Djehouti était bien avec moi, pas de doute à avoir. Curieux de cette proposition, je me préparais, puis je m'exécutais. Mon double énergétique complet se leva, en laissant mon enveloppe corporelle dans ma chambre. C'était si facile, pourquoi n'y ai je pas pensé plus tôt?

Arrivé devant la pyramide, j'évitais de toucher les gardes qui étaient à mon avis très sensibles, évitons de donner des suspicions inutiles. Maintenant à l'intérieur, je parcourais le bâtiment pour trouver l'entrée de la grande salle, tout en traversant les murs épais, mes sens étaient tous en éveil, je suivais les traces de cette puissance, qui m'attirait à lui comme un aimant. Lorsque j'arrivais à destination, quelle ne fût pas ma surprise, j'avais en face de moi un simple échassier sur un bloc de pierre, dont une des pattes était attachée à une chaîne, reliée via un demi anneau sur la face haute de la pierre, sa seule originalité ressemblait à une espèce de longue crête sur le crâne, faite de plumes comme implantées à même la peau. Je faisais le tour de l'oiseau, perplexe et interrogatif, lui, faisait pareil de ses petits yeux effilés, il me voit ? Pensais-je.

- "Bien sur que je te vois, crois tu que ton apparence astrale peut passer inaperçu au Benou?" Sa voix était tiède dans ma tête, elle me parvenait comme une douce chaleur et emplissait le tout sans me heurter, preuve d'une maîtrise excellente du Ba.

- "Es tu un Dieu ?" Lui demandais-je.

- "Je suis ce que je suis mais rien ne se rapproche de ce que tu connais, rien dans cet univers m'est comparable, je suis unique, né avec les étoiles, je mourrai avec elles."

- "Mais que fais tu ici ? Pourquoi es tu là? Ne puis-je rien faire pour toi?

A toutes mes questions, il y répondit simplement en s'embrasant, tout en m'enserrant de ses ailes déployées, l'air crépitait de chaleur intense, due à ses flammes et je sentis une onde me parcourir, envahir mon âme, la purifier, m'enlevant toutes entraves. "Pars maintenant, ils arrivent, ne t'inquiète donc pas de mon sort, mon calvaire est bientôt fini, ils ne peuvent plus me retenir dorénavant et chéris précieusement mon offrande".

La semaine passa très vite, mais c'est quand même avec un pincement au coeur que je quittais le complexe, même si l'excitation de la nouveauté me gagnait encore une fois, après tout ces mois d'attente pour arrivée au but promis. Mon Oncle me logea chez lui, il possédait une demeure très vaste, me permettant le choix de mes appartements. Je me mettais à mes aises, rien de très folichon, la rudesse des mois précédents m'avait appris l'humilité et à n'avoir besoin que du strict nécessaire. Le premier soir, autour du repas, mon Oncle me briefa sur mon nouveau travail qui consistais juste a prendre le relais d'un temple de son nome, rien de très dur en somme. Il insista sur le fait que cela n'était qu'un tremplin pour moi et qu'il s'arrangerait pour me trouver un poste de valeur au sein même de pharaon, car il croyait en moi, et, d'après ses dire, je ne le décevrais sûrement pas. Comme pour les premiers jours de mon arrivée, il flattait la prétention de mon ego, déjà bien entamé depuis qu'il était venu me chercher.

Il me demanda également si j'étais au courant de la nouvelle tendance politique de Pharaon, réduisant le pouvoir des prêtres à son profit, je lui répondis que oui, mais sans me laisser terminer ma phrase, il continua à pester contre cette décision, qui allait contre des centaines d'années de pratiques politiques, en s'insurgeant contre cette idée de réduire les cultes à quelques uns. Ces arguments semblaient sincères, dénoués de tout avantages personnels, mais quelque chose n'était pas clair, il insistait trop, où voulait-il en venir au juste ?

Comme je le pensais, je me fis très vite au travail, simple en apparence et enrichissant dans le fond, car je pouvais enfin allier la théorie à la pratique. Mais à peine trois mois après, il vint m'annoncer mon transfert dans la capitale, sous la protection d'un de ses nombreux amis, comme promis à ma sortie du complexe. Je trouvais ce changement rapide, puis quelque chose me disait que je venais d'être pris en otage par le simoun, sans que rien ne puisse dorénavant arrêter cela.

A peine avais-je pris mes habitudes, que je devais tout refaire à nouveau, la fatigue commençait à se faire sentir mais ce n'était pas le moment de flancher, ce n'était que le début de l'aventure pour moi.

Une semaine plus tard, me voila donc installé dans le nome principal, le luxe tout autour mais pas pour les prêtres qui viennent d'arriver, peu importe, j'ai vu pire surtout par rapport à ma chambre du complexe. Tout commence pour le mieux, le premier jour se passe aux présentations des personnes importantes, de mes attributions en tant que prêtre de Djehouti ainsi que du temple que j'aurais à m'occuper. Mon travail consiste surtout aux invocations pour transmettre les prières, purifier, ainsi que visiter à domicile jusqu’aux demandes spéciales. Le plus dur pour moi sont les manipulations de l'Hekaou, bien qu'étudié je ne l'ai pas trop approfondi, mais cela reste aussi une lacune que je m'empresse de combler dans la somptueuse bibliothèque de Pharaon, prévu pour les dignitaires et prêtres supérieurs dont je fais parti maintenant.
Les réceptions et fêtes de toutes sortes afflues en permanence que ce soit de la part de mon Oncle ou celles prévues par ma fonction, c'est d'ailleurs à l'une d'elle que j'ai eu l immense honneur de rencontrer Pharaon. Toujours entouré de gardes autour de son trône, majestueux au possible avec son habit d'or, coiffé du Skhemty lui conférant le pouvoir des deux terres louées des Dieux. Sa beauté égalait sa froideur, il inclinait juste la tête pour saluer, mais ne parlait à personnes et personne n'osait l'approcher de peur de se voir refouler.

Dire que j'étais impressionné par le personnage, est très loin de la vérité, j'étais fasciné, désireux de le connaître a contrario des autres. Je n'arrêtais pas de le fixer, pourtant même ses pensées restaient secrètes, rien ne transparaissait, que de la noblesse, une vanité logique pour son rang, rien de plus. Les jours défilèrent, son visage m'obsédait, sans comprendre réellement pourquoi, j'avais l'impression d'avoir senti quelque chose, néanmoins je n'arrivais pas à accéder à l'information. Un jour, il me fit appeler dans ses appartements, il désirait lui aussi me connaître, connaître le nouvel arrivé indubitablement, me dis-je. Je fus reçu dans son jardin, royaume de mille fleurs et plantes inconnues à Kemet, sûrement importées du pays des deux fleuves.

Nous commençâmes par parler de généralités, mes fonctions, les problèmes différents au sein de la prêtrise, du pays, un peu de mon passé, cependant toujours succinctement, comme s'il ne voulait pas rentrer dans les détails, pour que son but reste invisible. Il me proposa une partie de Senet, que je refusais poliment, il insista, je lui rétorquais que je ne savais pas jouer, alors avec un sourire chaleureux et de toute sa simplicité il m'apprit. J'étais un peu gauche au début, timidité oblige, mais ses rires juvéniles m'ont vite mis à l'aise, le jeu est vite devenu un plaisir. Dés lors, je fus souvent convié à jouer avec lui, du coup, nous passâmes des moments complices.

Les réceptions de mon Oncle étaient moins solennelles, on y parlait surtout de politique, d'avenir, en buvant de la bière jusqu'à plus soif, certains même se laissaient aller à du libertinage dans les jardins, une fois la fin de soirée arrivée, il ne resta qu'un petit comité qui me donnait des nouvelles du pays, surtout par rapport à mon poste, comment cela allait évoluer, mais leurs renseignements ne semblaient pas surs, restaient même un tantinet dans l'absolu. De toutes façons ce n'était pas clair, j'aurai voulu en parler à Pharaon mais je n'osais point.

Enfin, jusqu'à ce jour, cela m'a pris en pleine partie de Senet, comme si un insecte Bit m'avais piqué : "Des rumeurs circulent en ce moment sur la réduction des postes de prêtres et du pouvoir exécutif qui leur avait été donné, qu'en est il à votre sens ?"
- "Les prêtres se servent de ce pouvoir pour assombrir le mien et m'obliger à suivre leurs mouvements, ce n'est effectivement pas une rumeur infondée" me dit-il en déplaçant nonchalamment une pièce qui me coûta la partie.

Ils avaient donc raison ces bourgeois prétentieux, obsédés par le pouvoir, la colère me prit, je le fixais avec tout mon calme habituel, pourtant à l’intérieur, la tornade avait pris mon esprit. Je n'ai jamais voulu prendre position, ni me mettre dans un camp mais cette réponse m'y oblige. "Qu'en sera-t il de mon poste ?" demandais-je.

- "Les Prêtres mineurs partiront, quant au votre ce n'est pas encore décidé, bien que le culte que vous exercez n'est pas prioritaire."

Je me levais, avec un certain malaise, m'excusa poliment pour mon départ brusque et me mis en route, sur le chemin mes pensées fusaient, mon énergie tout autour devenait de plus en plus épaisse, les gens qui me croisaient me regardaient avec étonnement. Mes réflexions étaient bel et bien très négatives. Tous ces efforts pour en arriver à une voie sans issue, à cause d'un écervelé pas plus haut que trois noix, qui à envie de laisser des traces historiques de son passage, par une réforme réductrice. Je ne me laisserai pas faire, me dis-je dans ma tête, je lutterai pour garder mon dû.
Le lendemain je fis part à mon Oncle de la discussion avec Pharaon, ce fut là sûrement mon erreur, mes doléances l'émurent énormément, puis il me proposa de rencontrer des amis à lui pour trouver une solution adéquate qui me sortirait de cette panade. Cette nuit là, je fis des rêves étranges, presque réels où tout s'entrechoquait, sans que je puisse maîtriser quoi que ce soit, des voix me parlaient, mais je n'arrivais pas à toutes les entendre avec précision, tout était confus et le réveil s'est très mal passé, le malaise continua encore toute la journée ainsi que les jours qui suivirent. Je continuais à jouer avec Pharaon, pourtant quelque chose était cassé et de cette relation prometteuse ne restait qu'une pathétique relation polie de Roi à Prêtre.

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